A comme Allemands
Septembre 1939 : la guerre éclate. Après une campagne éclair en mai-juin 1940, les Allemands arrivent aux portes de Paris. L’armée française, installée dans les hôpitaux de l’Assistance publique pendant la première année de guerre, cède la place à l’armée allemande pendant la période d’occupation, de l’armistice de juin 1940 à la Libération à l’été 1944.
Le drapeau allemand est hissé dès 1940 sur les hôpitaux de la Pitié, Beaujon, Lariboisière (rebaptisé hôpital de la gare du Nord) et Bigottini. Tous les ressortissants non allemands doivent quitter ces établissements : patients et personnel sont évacués. Les autorités d’occupation réservent les hôpitaux réquisitionnés à leurs propres malades. L’ordonnance du 5 février 1942 du Gouvernement militaire allemand en France « interdit aux personnes dont la profession est de soigner les malades […] et qui ne sont pas affectées au service de l’Armée allemande, de soigner les personnes appartenant à l’Armée allemande […], ainsi que les personnes appartenant à la suite de l’Armée et possédant la nationalité allemande ».
L’Allemagne, souhaitant montrer sa toute-puissance, utilise l’image de son drapeau flottant devant l’hôpital Beaujon dans sa communication officielle en 1940.
- Réquisition de l’hôpital Beaujon, années 1940. Photographie officielle allemande (fonds privé du Pr Henri Nahum).
B comme Bombardements
Le 3 mars 1942, l’hôpital Ambroise-Paré subit son premier bombardement. Les dégâts causés par l’attaque aérienne contraignent l’Assistance publique à évacuer les malades et le personnel et à fermer l’établissement dès le lendemain.
Les blessés et malades de l’hôpital sont transférés dans une clinique parisienne, rue Boileau, alors réquisitionnée. Cette structure temporaire prend le nom d’hôpital Ambroise-Paré-Boileau.
Après un second bombardement le 4 avril 1942 sur les restes de l’ancien hôpital situé à Boulogne-sur-Seine, l’Assistance publique décide d’abandonner définitivement le site. Cependant elle ne renonce à pas à reconstruire un hôpital à Boulogne et, dès 1943, des projets de nouvel hôpital voient le jour.
Il faut cependant attendre l’achat d’un terrain en 1962 pour que le projet se concrétise. Les travaux commencent trois ans plus tard pour aboutir à l’ouverture du nouvel Amboise-Paré en 1969, toujours en activité à ce jour.
C comme Communistes
Au lendemain de la signature du pacte germano-soviétique de non agression conclu entre l’Allemagne nazie et l’URSS de Staline le 25 août 1939, le président du Conseil de la IIIe République, Paul Reynaud, promulgue un décret-loi dissolvant le Parti communiste (26 septembre 1939) : le militantisme est interdit rejeté dans la clandestinité.
Après l’invasion de la France en mai 1940, la capitulation en juin 1940, et le vote des pleins pouvoirs au maréchal Pétain (10 juillet 1940), le gouvernement de Vichy, s’appuyant sur le décret-loi de Reynaud, autorise la police à pourchasser les communistes qui se livrent à des actions de propagande, et les arrestations se multiplient à partir de l’automne 1940.
Le déclenchement de l’opération Barbarossa, autrement dit l’invasion de l’URSS par les armées d’Hitler (22 juin 1941), fait basculer le parti dans une lutte désormais ouverte et sans ambiguïté contre l’occupant nazi, tandis que du côté de Vichy, la répression s’accroit. Les communistes sont désormais assimilés à des terroristes dangereux qu’il faut mettre hors de nuire. Le gouvernement crée une brigade spéciale des Renseignements généraux chargée spécifiquement de les pourchasser, et elle réussit à faire tomber de nombreux réseaux clandestins, tel celui de Marcel Paul auquel est affilié Corentin Celton, arrêté le 25 mars 1942.
De nombreux agents des hôpitaux de l’Assistance publique connaissent le même sort : la police intervient sur leur lieu de travail et les emmène sans ménagement pour interrogatoire, le préfet de police se bornant à en transmettre la liste à la direction de l’AP. Ils connaissent des sorts divers : emprisonnement, déportation, condamnation à mort… Jean Bonnet, agent des services hospitaliers (ASH), militant communiste, est arrêté le 16 septembre 1942 sur son lieu de travail à l’hôpital Laennec par la police française, et remis aux autorités allemandes le 27 septembre « à la demande de celles-ci ». Incarcéré à la section allemande de la prison de Fresnes, il est transporté à l’hôpital de la Pitié le 13 octobre – on ose à peine imaginer dans quel état – où il meurt le 23 octobre suivant. Son crime ? avoir distribué des tracts « subversifs » dans la rue, et détenu chez lui 2 exemplaires de L’Humanité clandestine…
- Note récapitulative de la situation de Jean Bonnet, janvier 1943.
D comme Déportés
Avec l’avancée des troupes alliées en Allemagne nazie au printemps 1945, les camps de concentration sont progressivement libérés. Dès le mois d’avril, les Alliés s’organisent pour tenter de faciliter le retour des déportés survivants. À Paris, devenu un important lieu de transit, les déportés sont accueillis dans les hôpitaux de l’Assistance publique.
Dès le 15 mai 1945, l’administration des hôpitaux doit signaler à la Fédération nationale des centres d’entraide des internés et déportés politiques, tous les décès de rescapés qui surviennent dans ses établissements. Les hôpitaux de la Salpêtrière, Bichat, Claude-Bernard, Necker et Lariboisière tiennent alors des répertoires et registres d’entrées spécifiques aux déportés et prisonniers.
Conservés par le service des archives de l’AP-HP, ces documents donnent des renseignements parfois très précis, tels que la catégorie (déportés politiques, service du travail obligatoire, prisonniers), les affections dont ils souffrent outre leur état de faiblesse extrême, ou le camp d’internement.
E comme Épuration
Au lendemain du débarquement allié en Normandie (6 juin 1944), le Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) prend deux ordonnances concernant la répression des faits de collaboration (26 juin) et l’épuration administrative (27 juin). Une commission est instituée par arrêté du 29 août « pour examiner les griefs formulés contre des fonctionnaires de la préfecture de la Seine et des administrations annexes », dont celle de l’Assistance publique (AP).
Du 30 septembre 1944 au 13 mars 1945, la commission se réunit à 22 reprises et juge 50 personnels de l’AP. Les procès-verbaux des séances, conservés dans les archives, en retracent le déroulement. Les accusés ont été dûment convoqués afin de leur donner le temps préparer leur défense. Ils comparaissent en personne, peuvent citer des témoins à la barre et produire des pièces écrites. À l’issue des auditions, la commission délibère : elle peut prononcer le classement sans suite, l’acquittement (rarement) ou proposer une sanction, allant du déplacement d’office à la révocation, avec ou sans pension, éventuellement assortie de poursuites pénales. Le préfet de la Seine rend ensuite sa décision, laquelle est publiée au Bulletin municipal officiel de la ville de Paris.
Les faits reprochés se résument la plupart du temps à des propos collaborationnistes, des attitudes antinationales, plus rarement des délations. Un directeur d’agence des Enfants assistés est révoqué sans pension pour avoir combattu dans la Légion des volontaires français (LVF), créée en 1941 pour combattre aux côtés des Allemands sur le front russe. Une sanction lourde est requise contre le directeur de l’hospice des Ménages pour avoir demandé le déplacement de Corentin Celton, invoquant son activité syndicale passée, ce qui a entrainé indirectement sa fin tragique en 1943.
Certaines sanctions ont été rapportées dans les années suivantes, au moins partiellement, notamment les suspensions de paiement de la pension de retraite ou la non prise en compte des années de guerre dans le calcul des annuités. Le désir de tourner la page et de regarder vers l’avenir l’a emporté peu à peu.
- Liste récapitulative de personnnes épurées [avril 1945].
- Procès-verbal de la séance de la commission d’épuration du 9 janvier 1945.
F comme FFI (Forces françaises de l’intérieur)
Février 1944 : dans l’attente de l’arrivée des alliés et de la libération de la France, la résistance combattante s’organise. Les groupes Armée secrète, Organisation de résistance de l’armée, Francs-tireurs et partisans s’unissent pour former les FFI, Forces françaises de l’intérieur. Près de 200 000 hommes s’engagent pour mener des opérations de lutte armée comme le sabotage ou la destruction de matériel ennemi.
Louis Degut, garçon boucher de l’Assistance publique, s’engage en avril 1944 dans le groupe FFI du 15e secteur sud du département de la Seine. Commandant d’un groupe de résistants aux abattoirs de Vaugirard, il a sous ses ordres près de 150 hommes. Il participe activement aux affrontements lors de la libération de Paris et défend les abattoirs dans la nuit du 24 au 25 août.
Dès novembre 1944, une direction des FFI est chargée au ministère de la Guerre de répondre aux demandes d’homologation afin d’accorder un certificat d’appartenance aux FFI, lequel permet par la suite l’attribution de décorations, d’avantages y compris financiers. Une note de service du 20 février 1945 de l’administration générale de l’Assistance publique rappelle que les personnes qui ont quitté leur travail pour rejoindre les rangs des FFI ont droit postérieurement au paiement intégral des traitement et indemnité. Une reconnaissance à postériori de leur engagement au service de la France.
- Certificat d’appartenance aux FFI, 15 octobre 1951.
- Note de service sur la situation des agents ayant appartenu aux FFI, 20 février 1945.
G comme Gaz
Après l’expérience traumatisante de la Première Guerre mondiale et le souvenir des dégâts causés par les attaques aux gaz toxiques et les bombardements, les autorités françaises prévoient dès le milieu des années 1930, alors que grondent les menaces de guerre, la protection des populations.
La loi du 8 avril 1935 rend obligatoire l’organisation de la défense passive sur le territoire français. Dans les hôpitaux de l’Assistance publique, le personnel reçoit dès 1936 des masques contre les gaz de combat et des séances d’instruction pour leur utilisation. En 1938, la distribution de ces équipements est généralisée à la population civile qui est invitée à s’en munir même lors d’un séjour à l’hôpital. La préfecture de la Seine demande le concours de l’Assistance publique pour la mise à disposition de locaux afin de constituer des centres de distribution. Par ailleurs, l’administration soumet au préfet de la Seine un programme de travaux pour la construction ou l’aménagement d’abris en sous-sol, étanches aux gaz, dans ses hôpitaux.
H comme Hendaye
La loi du 11 juillet 1938 sur l’organisation de la nation en temps de guerre prévoit l’organisation des réquisitions. De fait, dès le début de la 2e Guerre mondiale, l’Assistance publique se voit dépossédée de certains de ses hôpitaux. Afin de permettre une indemnisation en cas de dégradation des lieux, des états sommaires et des inventaires descriptifs sont systématiquement établis.
L’hôpital marin d’Hendaye est réquisitionné dès le début de l’Occupation allemande. Si les bâtiments sont peu endommagés pendant cette période, le départ des troupes nazies fait beaucoup de dégâts. En effet, elles ont reçu l’ordre de détruire toutes les munitions entreposées dans l’asile. Le 21 août 1944, douze hommes, commandés par un sous-officier, déposent les explosifs à environ 20 mètres du pavillon de la 3e division de l’hôpital. Une première explosion a lieu à 8h, une seconde à 8h30.
Le souffle de l’explosion des caisses d’obus, des cartouches pour mitrailleuses et de la dynamite endommage les vitres et les toitures de tous les bâtiments. Un relevé des dégâts occasionnés par les explosions est réalisé le jour même du départ des troupes allemandes. Un inventaire par bâtiment et par salle liste tous les dégâts occasionnés par ces explosions.
- Relevé des dégâts occasionnés par les explosions du 21 août 1944.
I comme Ivry
Le Dr Jacques Bloch, externe puis interne des hôpitaux de Paris de 1908 à 1920, devient chirurgien des hôpitaux le 1er août 1926. En 1939, il dirige l’Ambulance chirurgicale Lourde 402 en tant que commandant. Il revient travailler au sein de l’Assistance publique en tant que chef de service à l’hospice d’Ivry (aujourd’hui hôpital Charles-Foix) en 1940. Il s’engage alors dans les forces françaises combattantes dans le réseau CND Castille.
Le 12 décembre 1941, les Allemands se rendent à son domicile au 57, avenue Montaigne à Paris (8e arrondissement), pour l’arrêter pour raison raciale. Pour ne pas tomber entre les mains ennemies, il se suicide. Transporté à la clinique Piccini avec sa femme, il y décède peu après.
Le Dr André Chauvenet, résistant sous ses ordres, témoigne du drame : « Je me trouvais chez lui lors de son arrestation par la police allemande. J’étais présent lorsqu’il s’est suicidé en absorbant un toxique, et s’il a accompli ce geste, cela a été justement parce que, résistant authentique, il voulait se dérober à la torture, au jugement qu’il était certain de subir ».
- Registre des déclarations de décès de l’hôpital Piccini, 1941.
- Témoignage d’André Chauvenet, 14 mai 1948 (Archives SHD Caen).
J comme Juifs
Après la défaite française de juin 1940 et le vote des pleins pouvoirs au maréchal Pétain qui consacre l’État français le 10 juillet, le gouvernement de Vichy entame une politique de collaboration avec l’Allemagne.
Un arsenal réglementaire se met en place contre les étrangers et contre les juifs. Les premiers sont écartés des emplois dans les administrations publiques dès lors qu’ils sont nés d’un père étranger (loi du 17 juillet 1940). Quant aux juifs, ils se trouvent interdits d’exercer de nombreuses professions et doivent se faire recenser en application de la loi du 3 octobre 1940 portant statut des juifs, complétée ensuite par la loi du 2 juin 1941.
Une note demandant l’exécution des mesures antijuives est publiée dans le Recueil des arrêtés et circulaires de l’Administration de l’assistance publique le 30 octobre, accompagnée du texte de la loi portant statut des juifs. On retrouve dans les dossiers de personnel de cette époque des formulaires dans lesquels les agents déclarent n’être ni juif, ni communiste, ni appartenir à une société secrète.
Cette exclusion prend fin avec l’ordonnance du 29 novembre 1944 qui fixe les conditions dans lesquelles doivent être rétablis les droits des fonctionnaires révoqués, rétrogradés ou licenciés en exécution des actes dits « lois du gouvernement de fait de l’État français », notamment les personnes relevées de leurs fonctions par l’application du statut des juifs.
- Liste des agents relevés de leurs fonctions en application du statut des juifs.
K comme Kremlin-Bicêtre
Un rapport de l’Administration générale de l’assistance publique de septembre 1942 liste un certain nombre d’agents de l’hôpital du Kremlin-Bicêtre arrêtés en juin-juillet 1942 pour « activité communiste et terroriste » et fusillés par les autorités d’occupation le 11 août suivant, à l’exception de René Diot qui s’est suicidé à la prison de la Santé le 7 juillet.
Ce dernier est, à la tête du groupe FTPF de l’hôpital du Kremlin-Bicêtre. Dès 1941, ayant récupéré des armes, avec ses camarades, il organise plusieurs attaques contre les Allemands, notamment à la porte de Choisy et aux Quatre-Chemins à Vitry-sur-Seine.
Tous sont arrêtés sur leur lieu de travail, suite à une dénonciation. Les policiers découvrent les armes que Diot avait dissimulées dans les catacombes de l’hôpital. Une perquisition menée à son domicile permet en outre de mettre au jour des documents prouvant son activité clandestine ainsi qu’un pistolet automatique et des cartouches. Le réseau du Kremlin-Bicêtre tombe ainsi en l’espace d’un mois : les hommes, internés à la prison de Fresnes, sont tous condamnés à mort et exécutés. Tombent ainsi le 11 août 1942 sous les balles des Allemands :
– Georges Bouzerait, domicilié à Bicêtre, jardinier, à l’AP depuis 11 ans et 8 mois, marié, 1 enfant de 11 ans, arrêté le 26 juin ;
– Georges Frémont, domicilié à Villejuif, ASH, à l’AP depuis 10 ans et 3 mois, marié, 2 enfants de 10 et 5 ans, arrêté le 8 juillet 1942 ;
– René Diot, domicilié à Ivry, ASH, à l’AP depuis 14 ans et 6 mois, marié, 4 enfants de 19 ans, 12 ans, 10 ans, et 2 ans et demi, arrêté le 23 juillet ;
– Paul Renaud, domicilié à Bicêtre, ASH, à l’AP depuis 6 ans et 11 mois, marié, 1 enfant de 11 ans, arrêté le 23 juillet ;
– Mohamed Ben Slimane, domicilié à Ivry, ASH, à l’AP depuis 10 ans et 3 mois, marié, 5 enfants de 7 ans et demi, 6 ans et demi, 5 ans, 2 ans et demi et 7 mois, arrêté le 23 juillet ;
– Marcel Flosseaux, domicilié à Bicêtre, ASH stagiaire, à l’AP depuis le 1er janvier 1942, marié, 2 enfants de 5 ans, arrêté le 24 juillet.
- Rapport de l’Administration de l’assistance publique sur l’arrestation et l’exécution de personnels, 19 septembre 1942.
- Résumé succinct de l’activité militaire de René Diot, 10 juin 1940 date de son arrestation (Archives du SHD Vincennes).
- Certificat de chef de groupe FTP de René Diot (Archives du SHD Vincennes).
L comme Libération
Le musée de l’AP-HP conserve une peinture d’Henri Sollier datée de 1945, intitulée La Semaine héroïque et représentant la libération de Paris. Initialement installée dans un bureau de la direction générale dans l’immeuble historique de l’AP-HP avenue Victoria, cette œuvre a été déposée et confiée au Musée lors du déménagement du Siège vers l’hôpital Saint-Antoine.
Henri Sollier prend des libertés avec la réalité historique pour nous proposer sa vision de la Libération. Il met en effet l’accent sur les actions des civils – combattants retranchés derrière une barricade, infirmières soignant un blessé – dominées par la figure en majesté de Paris avec le blason bleu et rouge et sa croix de Lorraine brandie comme un glaive purificateur étendu sur les principaux monuments (Hôtel de Ville, Panthéon, Notre-Dame, place de la Concorde)… Seul un militaire français évoque le rôle de l’armée, mais on ne voit ni les Alliés, ni même la 2e DB de Leclerc, qui était placée sous commandement américain.
Cette allégorie de l’insurrection parisienne, appelée Semaine héroïque 19-25 août 1944, illustre ainsi parfaitement l’idée de « Paris libéré par lui-même », selon les mots prononcés par le général de Gaulle à l’Hôtel de Ville le 25 août 1944, au milieu de la liesse générale…
M comme Milices patriotiques
La création des milices ouvrières, nées d’une initiative communiste, est annoncée dans le journal L’Humanité (qui continue de paraître clandestinement) le 15 août 1943. Reprises sous le nom de milices patriotiques par la CGT puis par le Conseil national de la Résistance, elles voient le jour dans les villes, campagnes et entreprises pour défendre l’ordre public, la vie et les biens des Français contre la terreur et la provocation.
Pierre Boule, cuisinier à l’Assistance publique, entre dans la Résistance en juin 1940 et prend la tête du groupe sanitaire des hôpitaux de Paris. En septembre 1943, sous le pseudonyme de Martinet, il rejoint les francs-tireurs et partisans français (FTPF). À la pointe des actions dans les hôpitaux, il organise et gère les comités populaires clandestins à l’Assistance publique et devient chef de la résistance à l’hôpital Saint-Antoine : il est notamment contacté par Corentin Celton, Jacques Pacaud et Mathurin Le Moulac, qui dirigent la CGT santé clandestine.
Boule est arrêté avec Jean Antonini, un de ses collègues de l’hôpital Saint-Antoine, au métro Bastille le 6 mars 1944, et inculpé pour patriotisme et activité dans la CGT clandestine, lors d’un rendez-vous où il était question de la constitution d’un groupe FTP dans les hôpitaux. Détenu dans les prisons de Fresnes puis de Compiègne, il est déporté le 15 juillet au camp de concentration de Neuengamme, au sud-est d’Hambourg, où il décède le 5 août 1944.
- Lettre du préfet de police au directeur général de l’Assistance publique relative à l’arrestation de Pierre Boule, 16 juin 1944.
N comme Nationalité française
À partir du 17 juillet 1940, l’Assistance publique applique la loi concernant l’accès aux emplois dans les administrations publiques, interdisant d’employer des agents dont les parents ne sont pas nés français. Maria Alonso est infirmière à l’hôpital Tenon jusqu’à sa révocation le 20 juin 1940, pour abandon de poste. Bien qu’elle conteste cette décision expliquant qu’on l’a autorisé à prendre un congé afin de récupérer ses enfants en province, la loi du 17 juillet ne lui permet pas d’être réintégrée. Maria Alonso est fille de parents espagnols et son ancien mariage, bien qu’il lui confère la nationalité française, ne permet pas de déroger à la loi.
Par une lettre du 14 novembre 1940, Maria Alonso écrit à l’Assistance publique qu’elle se sent française. Elle ajoute même : « Si j’avais été un homme je n’aurais pas manqué d’offrir mes services au pays ». L’Assistance publique finit par la réintégrer, considérant que les services militaires de son ex-mari constituent un cas d’exception à la loi.
Maria Alonso, est également membre active du Front national (réseau de résistance) où elle se faisait appeler « Josée ». Elle est arrêtée le 26 avril 1942 par la Gestapo. Accusée d’imprimer et de distribuer des tracts appelant la population à lutter contre l’occupant, elle est jugée avec des membres de son groupe et envoyée en déportation à Auschwitz le 23 janvier 1943. Elle y décède le 28 février.
- Lettre de Maria Alonso concernant sa réintégration, 14 novembre 1940.
- Lettre de Joseph Alonso concernant les circonstances de décès de sa soeur, 24 janvier 1946.
O comme Obligatoire
Le service du travail obligatoire (STO) est instauré le 16 février 1943 par le gouvernement de Vichy sous la contrainte nazie. Contrairement au système de la relève, instauré par Laval en avril 1942, qui reposait sur le volontariat et la libération de prisonniers en contrepartie, le STO impose la réquisition des travailleurs français au profit de l’Allemagne, pour soutenir son effort de guerre. À l’hôpital Saint-Antoine, le Pr Pierre Hillemand s’est efforcé d’empêcher les départs en, rendant des avis médicaux d’inaptitude. Mais tous les requis n’ont pu en bénéficier.
Démobilisé en juillet 1940, Jacques Berguerand sollicite un emploi d’auxiliaire à l’Assistance publique en février 1941. Son diplôme d’école commerciale et son expérience de commis aux écritures à la cour d’appel de Paris lui permettent d’être embauché le 1er avril 1941 en tant qu’employé aux écritures au service des frais de séjour.
Jacques Berguerand est requis pour le STO et remis à l’administration allemande à partir du 15 mai 1943. D’abord affecté au bureau de placement allemand n°20 à Paris, il est ensuite amené à travailler dans une entreprise productrice d’acier à Duisburg, en Allemagne. Il y reste jusqu’à l’évacuation de la ville le 8 mars 1945. Il trouve la mort dans la ville de Paderborn, suite à un bombardement de celle-ci le 27 du même mois.
- Attestation confirmant que Jacques Berguerand a bien été réquisitionné pour le STO, 12 octobre 1953.
P comme Prisonniers de guerre
Lorsque l’armistice est signé entre le gouvernement de Vichy et l’Allemagne nazie, le 22 juin 1940, la France dénombre 1 800 000 soldats capturés par l’ennemi. Selon les rapports d’activités des établissements de l’Assistance publique, au moins 300 agents sont prisonniers en Allemagne à la fin de l’année 1940.
Jacques Vincent, jardinier à l’hôpital Bicêtre depuis 1935, est mobilisé dès le début de la guerre en septembre 1939. Il est fait prisonnier à Baccarat (Meurthe-et-Moselle) le 21 juin 1940 et envoyé au Stalag XXB de Gotenhafen (actuellement Gdynia, en Pologne) avec le matricule 23104. Au cours de sa captivité, il lui a été possible de devenir « aide sanitaire », ce qui lui permettait d’accompagner le personnel sanitaire dans les lieux de soin de la ville.
Il meurt le 9 octobre 1943 lors d’une attaque aérienne de la ville alors qu’il était parti apporter son courrier à un prisonnier sur le vaisseau-hôpital « Stuttgart ».
- Fiche sur la situation administrative de Jacques Vincent, 9 octobre 1943.
- Note individuelle de Jacques Vincent pour l’année 1942.
- Lettre du secrétaire général des anciens combattants au sujet du décès de Jacques Vincent, 24 décembre 1943.
Q comme Quittances
À l’été 1940, les autorités allemandes réquisitionnent les hôpitaux de Beaujon, Lariboisière, la Pitié et Raymond-Poincaré. Pour pallier la perte de ces 4 600 lits, l’Assistance publique est obligée, à son tour, de réquisitionner des lieux de soin. Les cliniques privées Piccini, Boileau, Antoine-Chantin, Foch et Cité universitaire entrent alors temporairement dans le giron de l’Assistance publique. Après la Libération, ce sont les Alliés qui réquisitionnent les hôpitaux désertés par les Allemands.
L’utilisation de ces nouveaux locaux entraîne des frais pour l’administration : matériels, loyers, impôts, assurances… Une commission des réquisitions, placée auprès du secrétariat général de l’administration de l’Assistance publique, est chargée d’organiser et de surveiller les procédures de réquisition, tout en gérant les dépenses et les remboursements afférents.
En janvier 1944, les coûts engendrés par le fonctionnement de l’hôpital temporaire Piccini sont chiffrés à 1 359 673 francs. En mars de la même année, l’indemnité annuelle à payer pour la réquisition des locaux s’élève à près de 2 millions. Le recouvrement des frais liés aux réquisitions s’est prolongé jusqu’en 1955.
- Lettre concernant le remboursement des frais engendrés par les réquisitions, 30 août 1944.
R comme Rothschild
Pendant la 2e Guerre mondiale, l’hôpital Rothschild, qui relève alors de la Fondation éponyme, est placé sous l’autorité d’une direction agréée par les autorités d’occupation et sert à la fois comme hôpital et comme lieu de rétention pour les juifs ayant besoin de soins médicaux. Les femmes juives viennent y accoucher, et l’on y transfère au besoin des malades depuis le camp de Drancy, en attendant leur déportation. Les Allemands, en effet, veillent à ce que les convois vers les camps de concentration, n’intègrent pas de personnes contagieuses, dont ils redoutent la dangerosité pernicieuse.
Ils sont ainsi des centaines d’israélites à avoir séjourné à Rothschild : parmi eux, deux fillettes, ; Danielle et Céline Gradsztejn, raflées avec leur mère le 16 juillet 1942 et envoyées à Drancy. La plus jeune et sans doute la plus fragile, Danielle, née le 14 mai 1940, arrive à l’hôpital le 29 septembre 1942 ; sa sœur ainée, Céline, née le 18 mai 1937, la rejoint le 24 février 1943. Les deux fillettes deviennent les protégées du personnel soignant, qui fait tout pour prolonger leur séjour en dépit des contrôles soupçonneux des Allemands. Selon le Dr Colette Brull-Ulmann, haute figure de la Résistance qui travaillait alors à l’hôpital Rothschild et a raconté leur histoire, la décision de les renvoyer à Drancy serait le fait du médecin. Toujours est-il que le 11 juin, Danielle et Céline retrouvent leur mère à Drancy. Toutes trois sont déportées à Auschwitz par le convoi du 23 juin, et gazées dès leur arrivée au camp de concentration.
Le registre des entrées de l’hôpital Rothschild pour 1942-1943 gardent la trace de leur bref séjour. Une plaque a été apposée sur un pavillon de l’hôpital en 2023, afin d’honorer leur mémoire et, à travers elles, celle de tous les enfants juifs exterminés par les nazis.
- Entrée de Danielle Gradsztejn à l’hôpital Rothschild, 1942.
- Entrée de Céline Gradsztejn à l’hôpital Rothschild, 1943.
S comme Secours
Le 22 juin 1940 est signé l’armistice entre l’Allemagne nazie et la France, signifiant la démobilisation des engagés et l’arrêt des combats. En dépit de leur brièveté – les combats ont duré réellement du 10 mai au 17 juin 1940 – les affrontements ont engendré plus de 200 000 morts du côté français.
Parmi les victimes, François Couëc décède au champ d’honneur le 19 mai 1940. Sa mort laisse sa femme, Philomène Briand, et leur fille de 2 ans sans revenu. Désespérée, son épouse se tourne vers l’employeur de son mari, l’Assistance publique, pour trouver du secours. Dans une lettre du 10 octobre 1940, elle écrit au directeur de l’hôpital Saint-Antoine : « Peut-être que dans votre hôpital pourriez-vous me procurez [sic] un emploi. J’accepterai ce que vous pourriez me proposer étant dans l’extrême besoin […] Je vous en serai reconnaissante toute ma vie ».
Le directeur de l’hôpital Saint-Antoine transmet la demande au bureau de recrutement de l’Assistance publique et, finalement, le 23 décembre 1940, Philomène Briand est recrutée à l’hôpital Bichat à titre temporaire en tant qu’agent de service hospitalier, comme l’était son mari. Son remplacement se termine le 16 octobre 1941.
- Lettre de Philomène Briand concernant sa demande d’emploi, 10 octobre 1940.
- Réponse favorable de l’Assistance publique, 1940
- Fiche sur la situation administrative de Philomène Briand à l’hôpital Bichat, 3 janvier 1941.
T comme Travail féminin
La loi du 11 octobre 1940 relative au travail féminin promulguée par le Gouvernement de Vichy vise à réduire le chômage en interdisant, au moins provisoirement, le recrutement de femmes mariées à des emplois publics de l’État, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, sauf exception. Elle est renforcée par la loi du 3 avril 1941, qui ne tolère que le travail des veuves de militaires et marins morts pour la France, sous réserve que le mariage ait été contracté avant la date de publication de la loi. Un arrêté du préfet de la Seine du 5 juin 1941 précise la date de cessation des fonctions des femmes ainsi stigmatisées.
En application de ce dispositif, des dizaines de femmes se sont vues mises à la retraite dans des conditions financières souvent défavorables, peu d’entre elles ayant cumulé le nombre d’années de service suffisant pour prétendre à la jouissance d’une pension d’ancienneté complète.
L’application administrative du dispositif s’est faite en deux temps : d’abord, les femmes concernées ont été purement et simplement relevées de leur fonction et mises en position de congés sans solde. Puis, dans un 2e temps, un arrêté de mise à la retraite a été produit par l’administration, renvoyant à une date ultérieure le calcul du montant de la pension. Dans les faits, pour ces femmes privées du jour au lendemain de ressources, ayant encore souvent des enfants à charge et un mari prisonnier, la vie quotidienne dans la France occupée se transforme en combat de survie, d’autant plus que les allocations sont mal payées ou arrivent très tard si les femmes ont pu quitter la capitale ou l’Île-de-France pour se faire héberger par de la famille en province.
Le dossier de Marie Albertine Moinet, épouse Thabourey, née en 1895, illustre ce parcours : agent des services hospitaliers à l’hôpital des Enfants assistés, mise à la retraite d’office à compter du 1er décembre 1941 (l’arrêté de régularisation est daté du 1er mars 1944), elle écrit à l’Administration de l’assistance publique en avril 1943, et derechef en décembre 1943 pour demander le versement des 4/5 de sa pension, car, comme elle l’explique dans sa lettre « [elle a] touché depuis son départ un seul acompte ».
- Loi du 11 octobre 1940 relative au travail féminin, Journal officiel du 27 octobre 1940
- Arrêté d’admission à la retraite du 1er mars 1944.
- Lettre à l’administration réclamant les 4/5 de sa pension, avril et décembre 1943.
U comme Universitaires
Dans les premiers temps de la guerre, les étudiants en médecine, internes et externes des hôpitaux, sont nombreux à être mobilisés en raison de leur âge. Leur départ provoque une pénurie de personnel médical allant jusqu’à la fermeture de certains services empêchés de fonctionner.
L’exercice de la médecine amène par ailleurs certains étudiants à s’engager dans des réseaux de résistance. Jean, alias Yvon Rozinoer est l’un d’eux. Externe en 4e année de médecine, il est l’un des promoteurs d’une manifestation étudiante le 11 novembre 1940 commémorant l’armistice de 1918 et la victoire sur l’Allemagne. Il intègre ensuite le réseau de résistance qui s’organise à la Pitié-Salpêtrière dans lequel plusieurs étudiants en médecine et élèves infirmières sont actifs au péril de leur vie. En 1942, il dirige le premier service de santé des FTPF en région parisienne. Arrêté le 27 août 1942, il est incarcéré et torturé au fort de Romainville puis déporté et assassiné au camp de Mathausen en juillet 1943.
C’est au Service historique de la Défense qu’il faut rechercher des informations sur le parcours de ces étudiants morts pour la France, le service des archives de l’AP-HP n’en connaissant bien souvent que les noms.
- Attestation de l’association des anciens combattants des FFI, FTPF présentant les états de service de Jean Rozinoer, 1950 (Archives du SHD, Caen)
V comme Victimes civiles
Contrairement à la 1re, la 2e Guerre mondiale fait bien de plus de victimes civiles que de victimes militaires. L’occupation des territoires par les troupes ennemies, les bombardements et les affrontements, sans parler des déportations, que ce soit vers les camps de concentration ou d’extermination, ont touché tout type de population.
Ainsi, le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre stipule que la mention « Mort pour la France » n’est pas réservée aux militaires, aux tués à l’ennemi, aux morts de blessures de guerre ou aux prisonniers de guerre. Les familles des victimes civiles, tuées lors des combats et des bombardements, peuvent demander à faire apposer cette mention sur la déclaration de décès de l’intéressé.
Jean Jubert, entré à l’Assistance publique le 10 mars 1936 en tant que blanchisseur, travaille à l’hôpital Lariboisière à partir du 9 décembre 1937. Le 21 avril 1944, à 1h45 du matin, il est surpris par le bombardement de la gare de triage de la Chapelle : n’ayant pas le temps de gagner un abri, il se réfugie avec sa famille dans la cave de leur logement situé 30, rue des Graviers, à Saint-Ouen. Mme Jubert est blessée, son fils s’en sort sain et sauf, mais sa fille et son mari sont malheureusement tués. Victime civile, Jean Jubert a pu bénéficier de la mention « mort pour la France ».
- Lettre de Mme Joubert demandant la somme de 5 000 francs pour son fils, 31 mars 1949.
- Note de l’Assistance publique concernant le décès de Jean Jubert, 24 avril 1944.
W comme Mme Wiart, directrice d’hôpital
Yvonne Wiart dirige l’hôpital de San Salvadour au début de la guerre. Le 30 mars 1940, la direction générale la nomme à l’hôpital Trousseau, en remplacement de M. Médan, envoyé à Broussais, mettant fin à l’intérim assuré par son collègue M. Franc, directeur d’Hérold… Cet exemple illustre le casse-tête que représenta pendant le conflit la gestion des directions hospitalières pour la direction générale du fait des départs en retraite et des absences pour cause d’emprisonnement en Allemagne d’une partie des cadres dirigeants.
En 1942, Yvonne Wiart demande et obtient sa mise à la retraite à compter du 1er août avec une pension proportionnelle, en application de la loi du 11 octobre sur le travail féminin. Cependant, elle reprend du service 2 ans plus tard, nommée à la tête de la fondation Rothschild à compter du 11 février 1944, avec l’agrément du commandement allemand.
Comme nombre de ses collègues directeurs, Yvonne Wiart est convoquée devant la commission d’épuration du département de la Seine (30/11/1944), où il lui faut répondre d’activités antinationales pendant qu’elle dirigeait l’hôpital Trousseau, entre 1940 et 1942 donc. On lui reproche en particulier d’être à l’origine de nombreuses perquisitions effectuées dans son établissement et d’avoir fourni des informations aux autorités d’occupation sur le comportement politique de certains agents. L’un des agents, M. Gouttebroze, relate ainsi un incident qui lui a coûté son emploi, doublé d’une surveillance policière permanente « paralysant son activité patriotique ». Les faits sont jugés suffisamment caractérisés et graves pour que la sanction tombe : la commission d’épuration réclame sa révocation avec suspension définitive de sa pension.
La commission sanctionne également d’une mise à la retraite d’office son prédécesseur à Trousseau, M. Médan, qui a agi de même, en communiquant à la police un carnet saisi lors d’une fouille sur un personnel, lequel carnet contenait une liste de camarades résistants…
Les directeurs d’hôpitaux défilent ainsi devant la commission d’épuration, qui leur reproche leur complaisance excessive à l’égard des autorités d’occupation. Beaucoup en sortent finalement blanchis, en montrant qu’ils n’ont souvent fait qu’obéir aux ordres venus du premier d’entre eux, le directeur général Serge Gas. Le directeur de l’hôpital Lariboisière, M. Tremblay, est mis à la retraite d’office pour cause de menées antinationales et antisyndicales et d’application avec une rigueur excessive de la loi du 17/7/1940 sur l’accès aux emplois publics, même si on lui reconnait des circonstances atténuantes, son hôpital ayant été réquisitionné par les Allemands pour y soigner leurs blessés.
- Lettre du sieur Gouttebroze relatant l’incident survenu à l’hôpital Trousseau en juin 1941, qui lui a valu son renvoi et une descente de police chez lui, 5 septembre 1944 (Archives nationales).
- Minute de l’arrêté préfectoral révoquant Yvonne Wiart avec suspension définitive de sa pension, [janvier 1945].
X comme Nommé X
L’insurrection populaire et les affrontements liés à la libération de Paris ont causé énormément de perte humaine. Ainsi, dans le registre des déclarations de décès de l’Hôtel-Dieu, pour la période du 19 au 27 août, on dénombre près de 300 personnes décédées de « plaie de guerre », « blessure de guerre » et « blessé dans un bombardement ». La mention « carbonisé » laisse entrevoir la violence des affrontements.
Dans l’urgence, le, personnel fait au mieux pour donner une identité aux blessés qu’on amène à l’hôpital. Nombre de soldats français, allemands ou de civils, sont nommés X, faute de pouvoir identifier précisément les corps. X femme et X homme côtoient les personnes décédées dont on a retrouvé les nom et prénom, sans plus d’informations : une succession de points d’interrogation remplit le reste du formulaire. De nombreuses rectifications, de couleur rouge, font également leur apparition. Elles concernent généralement la date du décès.
Les actions clandestines menées par certains civils corsent parfois leur identification. Ainsi, le registre de l’Hôtel-Dieu contient deux déclarations de décès, datées du 29 août 1944, concernant l’une Lucien Marquet et l’autre Lucien Quénard. La première, inscrite sous le n°1140 mentionne que Lucien Marquet s’appelle officiellement Quénard : « rectification d’État civil. Marquet était le nom de l’illégalité. Quénard le nom exact à la mairie du 4e arrondissement le 13 septembre 1944 ». Quelques pages plus loin, on retrouve Lucien Quénard, sous la déclaration n°1151 ainsi annotée : « décédé le 23 août, trouvé porteur des papiers de Monsieur Quénard, déclaré sous ce nom alors qu’en réalité il ne possède pas d’état civil ». Les faux papiers compliquent la tâche de l’administration, lorsqu’ensuite elle est saisie d’une demande d’homologation de mort pour la France : sous quel nom doit-elle chercher la victime ?
- Déclarations de décès de Lucien Quénard alias Marquet du 29 août 1944.
Y comme Yankees
Le 24 août 1944, les Allemands quittent l’hôpital Lariboisière occupé depuis juillet 1940. À peine les premières dispositions prises pour remettre en état les locaux, un nouvel ordre de réquisition intervient, en faveur cette fois des services de santé américains, le 22 septembre.
Les registres de correspondance du directeur de l’hôpital pour cette période, contiennent des notes et des rapports adressés régulièrement au directeur général de l’Assistance publique, décrivant en détail les relations entre les deux administrations forcées de cohabiter en bonne entente : libération de logements du personnel de l’AP logé sur place au profit du personnel américain, stockage du linge hospitalier, transfert de mobilier et récupération de mobilier et matériel médical laissés par les Allemands, contrôle des denrées et objets appartenant à l’armée américaine… Malgré leur caractère administratif, ces rapports relatent de façon très concrète la vie quotidienne dans l’établissement et les difficultés liées au contexte de la fin de la guerre.
Le 27 juin 1945 l’hôpital est définitivement restitué par les Américains. Le directeur se félicite alors d’avoir obtenu à force de marchandage 1 800 draps neufs américains en compensation du linge français détruit ou usé. Une partie des salles de médecine et chirurgie est nettoyée et remise en état par des soldats et prisonniers allemands dans la perspective de la réouverture progressive. Début juillet, l’hôpital devient un centre de tri pour l’accueil des déportés de retour des camps.
- État des lieux de l’hôpital Lariboisière lors de l’installation des Américains, 22 septembre 1944.
- Rapport du directeur de l’hôpital Lariboisière, 14 octobre 1944.
- Rapport du directeur de l’hôpital Lariboisière, 27 juin 1945.
Z comme Affaire Zaïdoff – Saloff – Zreller
Le 15 février 1941, le directeur de l’hôpital de la Salpêtrière, Jean Couteaux, adresse au directeur général Serge Gas un rapport l’informant d’une saisie de tracts dans son hôpital dont il attribue l’origine à un groupe d’internes ou faisant fonction, dirigé par un nommé Zaïdoff ou Saïdoff et une externe, Melle Saloff, déjà emprisonnée au moment de l’envoi du rapport. Quant à Zaïdoff, Couteaux se vante de l’avoir expulsé dès son arrivée à la Salpêtrière et déplore qu’il continue à se promener librement dans Paris – dans les faits, il a été arrêté courant 1941 et vraisemblablement fusillé le 21/12/1941 au Mont-Valérien. Pour faire bonne mesure, Couteaux leur adjoint une nommée Zreller alias Jacquet à l’activité de laquelle il a mis fin, mais qui le harcèle. Il conclut son rapport ainsi : « il me semble que la préfecture de police pourrait sans aucun doute nous en débarrasser et nous permettre d’avoir enfin la paix ».
La commission d’épuration réunie le 14/12/1944 sanctionne très sévèrement Couteaux pour ses actes : elle requiert à l’unanimité la révocation sans pension, l’envoi du dossier aux autorités judiciaires aux fins d’enquête, la radiation de l’ordre de la Légion d’honneur, et « regrette enfin de n’avoir pas la possibilité de faire procéder à l’arrestation immédiate de cet agent ».
Couteaux fut assurément l’un des directeurs les plus zélés dans l’action anti-communiste. Ses victimes, Zaïdoff, Saloff, Zreller, ressortissent, elles aussi, à des catégories archétypales aux yeux des Français maréchalistes et pro-Vichy en 1940-1941 : des jeunes gens, étrangers, juifs, communistes, anti-patriotes, qui n’ont eu que ce qu’ils méritaient.
De fait, on peine à les identifier nommément : pas de fiche de scolarité d’interne ou d’externe, pas de trace dans des registres du personnel, pas non plus de mention de Zaïdoff parmi les fusillés au Mont-Valérien : faisait-il partie des 70 otages exécutés le 15/12/1941, aux côtés de Lucien Sampaix et Gabriel Péri ? Le flou dans l’orthographe du nom – Zaïdoff, Saïdorf, Zendorf – ainsi que l’absence de prénom et l’incertitude sur la date de sa mort et les circonstances de son décès, contribuent à faire de lui l’incarnation des nombreux anonymes qui ont essayé, à leur niveau, pacifiquement, par leurs paroles et leurs actes, de dire non à l’occupant, jusqu’au sacrifice de leur vie.
- Audition de J. Couteaux par le juge lors de l’instruction du dossier S. Gas devant la cour de justice de la Seine, 30/07/1945 (Archives nationales).
- PV audition J. Couteaux devant la commission d’épuration de la préfecture de la Seine , 14/12/1944.